Au 1 bis rue de Bièvre Paris, à deux pas de Notre-Dame rive gauche, plus personne n’habite à l’adresse indiquée. Une sordide magie y a été jetée en des temps reculés. Mystère et lourd secret. Autrefois existait là, une ancienne auberge qui abritait une bien misérable humanité. La maison rongée par une étrange maladie fut réduite à néant en 1943 et le devant de rue muré. Depuis cette parcelle est inconstructible – par décision administrative.
Aujourd’hui, une palissade en fer opaque surmontée de lances a remplacé le muré. L’immeuble que l’on voit derrière fait partie du 63 quai de Tournelle. Il a du être construit en partie, sur une cour intérieure avec des ouvertures rendues possibles sur le devant.
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« Hôtel tout confort »
Autrefois existait-là au 1 bis rue de Bièvre à Paris, une très ancienne auberge. Sur son fronton était inscrit : « CAFE - VINS - LIQUEURS - HOTEL TOUT CONFORT« . ‘Tout confort’, était beaucoup dire car en 1941 cette maison de 3 étages était insalubre et dangereuse. Elle s’effritait de tous les côtés, de haut en bas. Deux étages et demi dira l’auteur, tellement le dernier était bas de plafond.
« le père Hubert » en était le propriétaire tenancier depuis 42 ans (1899). Mais après la mort de sa femme, il se laissa dépérir. Tout comme son immeuble, frappé de ‘mise en demeure d’être retapé d’urgence‘. Sauf que la période ne s’y prêtait guère en pleine occupation allemande. De la misère partout, tout autour, et surtout chez lui où ses locataires, 5 ménages (avec 21 enfants), ne payaient plus. Des miséreux vivant d’allocations et de chômage en cette période très troublée. Hubert n’avait plus la force de réclamer les loyers. Lui même avait abandonné sa chambre au premier et ne vivait plus que près de son bar.
Jusqu’à ce matin d’hiver où il est retrouvé mort, « gelé dans son comptoir. Les rats avaient commencé d’entamer ce qu’il y avait de plus mou à découvrir » (p.30).
Au printemps qui suivi, son seul héritier (27 ans) est arrivé un beau matin tout droit de sa province de Champagne, accompagné de son épouse.
En quelques mois un destin sinistre et prématuré s’est scellé. Lui tomba malade et elle partie avec un autre…
Une force destructrice semblait à l’oeuvre.
La maison, réduite à néant
L’immeuble a dû être évacué de toute urgence. Des éboulements successifs, les pierres étaient atteintes d’une véritable maladie contagieuse, une sorte de champignon qui menaçait les autres immeubles ! (p.53).
La Mairie de Paris, entrepris la démolition. L’équipe d’ouvriers recrutée ne le fut que peu de temps. Car au fur et à mesure des jours, ils tombèrent malades (problème de peau et picotements bizarres) puis les paroles du voisinage se déliaient. Ils prirent peur et quittèrent tous le chantier précipitamment après avoir rompu leur contrat. La démolition resta inachevée et les ruines abandonnées.
Alors que bâtiment menaçait de s’écrouler dangereusement, les Allemands occupants mobilisèrent en 1943 d’autres ouvriers venus d’ailleurs, des polonais. Ils achevèrent ainsi la destruction totale et irréversible de cet ancien hôtel qu’il fût au 1 bis rue de Bièvre. En la place un mur fut érigé sur le devant de la rue.
Une amulette en bois pétrifié, découverte dans une des cave
La poupée du bois d’épave ….
Deux mois avant sa mort, Hubert avait émis le désir, la curiosité de voir ce qu’il y avait dans sa troisième cave murée. ‘murée par ordonnance préfectoral depuis les inondations de 1910. (p30).
C’est ainsi qu’une expédition s’était organisée à cinq : Hubert, Gérard le Peintre, deux pioches et l’auteur. 60 m d’exploration dans un couloir vouté, soigneusement maçonné (une ancienne carrière ?). Au sol une écoeurante gadoue. Au fond une grille infranchissable. Le couloir plongeait au-delà et continuait plus bas (comme un siphon) (cf.33)
Alors qu’ils rebroussaient chemin, ils remarquèrent une ouverture, une niche dans laquelle reposait une statuette en bois d’épave, de style amulette africaine. Elle avait miraculeusement résistée aux intempéries et s’était pétrifiée avec le temps.
Quelques années plus tard, Jacques Yonnet confia cette statuette à un éminent spécialiste anglais. Elle s’est avérée être encore très chargée d’une énergie maléfique, toujours à l’oeuvre en 1951. Elle dû subir des séances d’exorcisme les plus puissantes pour être assainie, apaisée et rendue complètement inoffensive depuis.
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Cet objet, déposé, abandonné dans les tréfonds de cette cave parisienne près de l’eau (la Seine et peut-être la Bièvre) en des temps reculés, fut semble-t-il témoin de puissantes pratiques de sorcellerie et en avait conservé tout son pouvoir destructeur.
Une intrigue qui parait remonter d’aussi loin que nos sorciers ésotériques du Moyen-âge.
ChPL – nov 2021
Cette histoire est issue du croustillant livre de Jacques Yonnet (1915-1974) : « Rue des Maléfices -Chroniques secrète d’une ville »*. Il y partage-là, d’étranges nouvelles dont il fut témoin dans le Paris occupé des années 40.
"Yonnet eut une chance encore - qui dut pourtant le faire souffrir. il fut parmi les derniers à pouvoir observer le tout près cette faune inouïe qui, depuis le Moyen-Age jusqu'au seuil de ce temps, n'avais jamais cessé de hanter superbement identique à elle-même, les bas fonds de la grand'ville. Et cette faune, il la vit en quelques années changer de visage, puis de quartier, avant de disparaitre pour jamais" (Extrait Note de l'éditeur JPS avril 1987)
Sources
- Rue des maléfices – Chronique secrète d’une ville de Jacques Yonnet / Ed. Phébus Libretto, mars 2004.
Réf. pp.30-33 (hiver 1941), p.42, p.55 et pp.252-268 (octobre 1951)
La première édition date de 1954 aux Editions Denoël - Plans parcellaires – Archives de Paris / Rue de Bièvre – Cadastre de Paris par îlot (1810-1836) / Plan 45e Quartier St Jacques / îlot n°24 Echelle 1/400 / Cote F/31/96/49